vendredi 24 février 2017

di che cos'è?

Je sais ben trop c’est quoi être une femme pour pouvoir prétendre en être une.

Je sais c’est quoi être une femme parce que j’ai toujours été très sensible à l’iniquité évidente, peut-être parce que j’en étais une, femme. Peut-être que j’en suis une, je peux affirmer que, biochimiquement, c’est le cas, mes derniers tests sanguins le démontrent, et même si je subissais la SRS, la fameuse opération qui transformerait mon pénis en vagin, même si j’avais ça (c’est pas dans mes plans), même si en tout point j’avais l’air d’une femme, même si je pouvais rivaliser avec une femme cis pour conquérir un mâle hétérosexuel, même là… je serais pas une femme. Même si j’en suis une.

Les trans, c’est comme ça, en gros, c’est ça le leitmotiv : je suis une femme, née dans un corps d’homme, erreur de la nature, je suis donc une femme, et j’aimerais que les autres le reconnaissent. Les psys poussent à ça aussi, sinon on se dit quoi, anyway, je suis trans? C’est quoi être trans?

Bon ok, je sais pas ce que je suis. Remarque, je l’ai jamais su. Toutes ces décennies que je prétendais que j’étais un monsieur, c’était un peu weird parce que je le voyais ben que j’avais pas trop l’air de ça. Alors je disais : poète. Ou homme mauve, parce que j’aime le mauve et pour pas être un homme rose qui ont eu une grande vogue à une époque, et que je trouvais que cette image me collait pas à la peau, me convenait pas.

Mais quand même, j’avais un refuge, genre : j’ai un pénis et des couilles, un peu de barbe, donc je suis un mâle, un homme. Comme je mesure près de six pieds et que j’ai une grosse voix, malgré ma minceur, malgré mon manque d’autres ‘compétences’ mâles, j’arrivais à m’insérer dans la société. Juste un weird, t’sais.

Mais maintenant que non seulement je me suis avoué à moi-même que je ne suis pas un homme, que je suis transsexuelle, et que j’ai entrepris une hormonothérapie qui a changé mon corps en peu de temps —ce qui nous fait penser, à mon médecin et à moi, et d’autres, que ma génétique n’est peut-être pas si simple, que je n’étais peut-être après tout pas un XY, simplement, ce qui expliquerait anyway que mon corps n'a jamais pris la forme de celui d’un homme, sauf à certains endroits, comme ma voix et, autre chose, lah—, alors maintenant que tout ceci, je suis quoi?

De toute évidence, sur la rue, je suis pas une femme, si je lis les réactions de tout un chacun, parce que ça se peut juste pas que les femmes se fassent dévisager de la sorte. Et leurs yeux, au gens sur la rue, homme comme femmes, sont remplis de points d’interrogations, comme si j’étais d’une autre espèce, une extra-terrestre. Ou alors je suis simplement risible. Je suis pas un homme non plus.

Remarque, comme je disais, je suis habituée, j’ai toujours été weird, on m’a toujours regardée sur la rue, mais pas tant que ça.

C’est pas grave, je m’y attendais et je comprends, peut-être que je serais pareil si j’étais pas trans moi-même. C’est pas ça mon point. Que les gens me dévisagent sur la rue, c’est juste un fait. C'est même normal, je trouve. J’y reviendrai pour le détail, mais pourquoi je le note hui, c’est pour démontrer que je ne suis pas une femme, les femmes, au pire on les ignore ou on les siffle, mais on les scrute pas comme les gens m’examinent sur la rue.

Attends que je sorte mes hot legs cet été en short. Ça va être trop contradictoire, shit. Je peux pus sortir (soupir). Je vais me faire siffler, faudra pas que je dise un mot et que je sois bien rasée.

Reste que je suis pas une femme, contrairement à ce qu’on veut bien me faire croire qu’y faut que je dise. Je sais pas je suis quoi, mais j’ai trop longtemps profité malgré moi du privilège de mâle pour prétendre hui être une femme. J’ai jamais été trop, trop harcelée dans le métro ou l’autobus… quand même un peu, ouais, faut dire. Par les gays, apparemment qu’ils me trouvaient ben hot. Harcèlement, ouais, perdu une promotion parce que j’ai refusé de coucher avec mon sous-boss. J’ai vécu ça, mais pas comme une femme peut le vivre. Pas autant, pas partout comme une femme. Pis j’ai jamais eu de règles, ça a l’air nono comme ça mais c’est fondamental. Pour une femelle. Je veux dire dans l’histoire humaine. Voyez mes posts précédents (en anglais) à ce sujet.

Pour ce qui est de la différence d’être une femme ou un homme, je pense que je peux en témoigner, ce qui se passe à l’intérieur, dans le cerveau, parce que comme je le disais plus haut, mes hormones sont présentement l’équivalent de celles d’une femme, à peu près, et il y a à peine plus d’un an de cela, mon profil hormonal correspondait à celui d’un homme, alors, t’sais, les changements, je les ai vus défiler à vitesse grand V. Dans ma tête. La manière que je pense.

Alors je pense que je sais pas mal c’est quoi, être une femme, j’en suis une à bien des égards, mais j’ai pas l’historique de piétinement de ma personne PARCE QUE je suis une femme.

À vrai dire je le sens maintenant, que mon avis a moins de poids parce que je suis une femme, par exemple, ce que j’avais jamais senti auparavant. Alors c’est ça, lah : je l’avais jamais senti auparavant, au contraire. On me disait en me donnant une ‘binne’ sur l’épaule en riant que je faisais partie de la gang, que les femmes, elles sont drôles, qu’il faut pas trop s’inquiéter, elles s’énervent, ça leur passe. Faut pas chercher à comprendre.

Connard. Que je pensais. Mais toute tentative d’expliquer que la femme avait ici raison était vaine, j’avais essayé dans le passé, je passais juste pour un hurluberlu, un traître, à la limite. Tu peux pas dire que t’es féministe à ces gens-là, pas avec des couilles comme que j’avais. Ben que j’ai… plus ou moins. C’est même pus des accessoires, peut-être des bibelots. En tout cas, c’est pas important.

Je sais pas ce que je suis.

Je suis féministe, j’ai jamais été homme. C’est la société qui me faisait homme. Parce que j’ai des couilles. Conneries!

Et là, la société, la rue… me fait quoi?

Être trans, c’est quoi? Transition entre quoi et quoi?

Je peux ben affirmer ce que je veux, que je suis une femme, whatever, c’est pas vraiment moi qui décidera. C’est la rue.

Et ce serait trop facile de juste dire : je suis une femme. Comme je dis, je n’en ai pas l’historique.

À suivre
Dominik Rock



Aucun commentaire:

Publier un commentaire