mercredi 24 août 2016

le couteau

Allô, c’est Dominik. Ça va? Écoute, je voulais te parler de l’actualité un peu. Ben quand même, ya aussi des liens avec ta philosophie. Oui. Non, pas le terrorisme, non, non. Un accident de bécyk. À Montréal. Non, pas moi, j’ai pas de vélo. Mais je pense. Non, pas en acheter un, je dis : je pense. Je réfléchis, quoi.

Pourquoi que cette jeune femme est morte hier à cinq coins de rue de chez moi, pourquoi? Ça me fait chier en esti. Non, je la connaissais pas, mais l’hostie de camion qui lui a passé dessus, le chauffeur l’a même pas vue, lui. Elle était drette là et il l’a pas vue. Pourquoi?

Je croyais qu’on était une société civilisée, bien ordonnée, je veux dire, qu’on avait pensé aux choses, qu’il y avait des ingénieurs, des mathématiciens, des urbanistes, je sais pas, des logiciels… Crisse, on en est presque à l’ordinateur quantique, on va se rendre sur Mars et la coloniser…

Accident de bécyk, une jeune femme de 24 ans, vingt-quatre ans, esti!!! Morte, décédée, écrapoue…

C’est dégueulasse !

C’est enrageant parce que ya aucune raison. On a construit LG2… Les lignes à haute-tension venant de la Baie James à 750 mw sont uniques au monde, technologie très avancée.

Le problème hier, c’était pas le chauffeur du camion ni la jeune femme en bicyclette, parce que sûrement que tout un chacun disséquera la scène et les circonstances, et on trouvera même le moyen de blâmer la cycliste… Je te jure, ça arrive tout le temps chez les humains que la victime aboutit comme étant le problème. On en parlera un autre jour, ok?

Non, le problème hier, c’est les infrastructures routières et les technologies utilisées pour les occuper. Cet accident aurait pu se produire il y a 70 ans. Rien n’a changé depuis ou presque.

L’angle mort, le maudit angle mort dont mon père niait l’existence.

Ben voyons câlice, on veut coloniser Mars, les fusées de Space-X reviennent atterrir sur le même socle qui les ont vues décoller vers l’infini de l’espace…

Mais nos rues sont comme ça, et les camions ont très, très peu changé depuis 1940, le moteur pis toute. Ça, ce boutte-là, c’est comme ça, laisse-ça de même, on n’a pas le temps, on s’en va sur la Lune, maintenant. On en créé une, inutile, la Station spatiale…

En tout cas tant de technologies, tant d’avancées… Pas sur nos rues.

Ce qu’il y a de philosophique là-dedans? Ben… pourquoi?

Pourquoi qu’il faut attendre de se couper avant de figurer qu’il faut pas tenir le couteau par la lame? Pis qu’en même temps, on invente des bombes atomiques, des ponts majestueux (d’autres qui s’écroulent… on en reparlera) et on décode le génome humain. Mais sur la rue, les camions voient rien, ils polluent un max, des bombes ambulantes qui mettent le feu à l’autoroute Métropolitaine, alors que le liquide qu’il contenait aurait pu se déverser dans le métro juste là en dessous…

À quoi y sert, leur cerveau, aux humains, que je me demande. C’est ça ma question. Pourquoi que nos infrastructures sont les mêmes qu’il y a 50 ans alors que c’est ben évident qu’elles conviennent pas? Pourquoi?

C’est comme le couteau qu’on tient par la lame…

Pas comme ça. C’est ben évident.

Pas le temps, on vise Mars.

C’est là qu’on est rendus.

Ah bon.


Dominik Rock

mardi 23 août 2016

...with the flow

L'ensemble de la vie se résume à ceci: les hirondelles et tous les autres oiseaux en sont à pousser leurs petits en bas du nid, les têtards me chatouillent les pieds, les graines de toutes les plantes partiront bientôt au vent ou direct au pied du plant géniteur, les feuilles pourriront pour engraisser le sol... À mon tour je me décomposerai pour enrichir le terreau. De mes éléments se retrouveront donc dans les plantes qui pousseront de mon effet fertilisant; je suis de la poussière d'étoile du cosmos qui nourrira la terre, la Terre est de la poussière de cosmos agglutinée...

Je suis la Terre!

Moi... et le cosmos.

The flow.

La rivière.

Le soleil. Le joint. Le briquet. Voilà. La vie.

Je ris.

Soleil rougis-moi.

I'm a redskin. Redskin baby, go with the river flow, go...

Oupsy, wait, suis pas seule.

Pas parler.

- Ha! Ha! Ça sent le pot.

Ben oui... Qu'est-ce qu'y fout-là, lui?

- Salut, euh... Angela, qu'y dit de son canot, à genre huit mètres de moi qu'y ai les pieds dans l'eau.
- Salut Philippe. Qu'est-ce tu fous dans mon domaine?

Où sont mes shorts? Je me tourne et lui montre plutôt mes fesses. Je spot mes jeans, je vais les enfiler et je retourne me planter devant lui, les pieds dans l'eau, les ménés et les tétards me les massent hihi.

- Ben comme tu vois, je remonte la rivière en canot. C'est ton domaine? C'est votre terre, ici?
- Je sais pas, que je dis. C'est par là la terre des... des...
- Des quoi? Ha! Ha! T'es vraiment capotée, Angela...
- Pfff!
- C'est quoi ton domaine?

Je lui montre d'un geste circonscrivant le tout.

- Cette plage, quoi, qu'il conclut.
- C'est pas une plage esti, ya pas cinq scieaux de sable icitte.
- Ha! Ha! Esti que t'es drôle. Moi, je t'ai toujours trouvée super.
- Really?
- Ouains. Y en a qui rient de toi, moi pas. Je te défends.
- Pfff, vraiment?
- Ben oui, j'ai fait ça. Plus d'une fois.
- Ben c'est gentil, merci. Tu veux une puff?
- Non merci.
- Ben tu peux accoster, même si j'ai pas de quai. Excuse, j'ai pas encore développé d'infrastructure pour accueillir des délégations étrangères. C'est une autarcie.
- Ha! Ha! Ha! Une quoi? En tout cas t'es toute une sirène.
- Pfff, de quoi c'est?
- T'es belle, qu'y dit en débarquant de son canot, se plantant les pieds à son tour dans l'eau juste devant moi. C'est ça que je voulais dire, je te trouve belle.
- Ah... Hum... Ben tu dis juste ça parce que je suis topless et que tu vois mes seins.
- Non, vraiment pas, Angela, je t'ai toujours trouvé belle, qu'il me dit en me regardant direct dans les yeux.
- Ouains... Oké debord. Merci. C'est gentil.

Je rallume le joint et je fais quelques pas hors de l'eau avant de m'asseoir en me tournant vers lui.

- Tu fumes du pot, qu'il constate.
- Ben ouais, quoi?
- Bah... Pas moi, C'est... ça m’empêche de penser.
- Ha! Moi, ça m'aide à penser. À créer. À gérer la vie. Ben assis-toi, Philippe, tire ton canot sur ma ''plage''. J'ai de l'eau, si tu veux boire.
- Ça va, j'ai tout ce qui faut, je suis parti en équipée...
- Tu vas loin comme ça à remonter la rivière?
- Non. Je sais pas. J'ai pas l'habitude, vraiment.
- Je trouve que t'as l'air très à l'aise avec un canot.
- Ah ouains... quand j'étais plus jeune...
- Ah...
- T'es stone, là?
- Ouais.
- Ça paraît pas.
- Je suis toujours stone, Philippe.
- Ah bon.
- Sinon, je bois, si j'en n'ai pas. Je pique le vin des, des...
- Ha! Ha! Des quoi, Angela, des qui?
- Ah laisses faire esti, qu'est-ce tu veux que je te dise, on choisit pas... le vin des Italiens, là, les Casti-chose.
- Ha! Ha!, tu te moques de toi-même, Angela?
- Quoi? Non. Je dois habiter avec eux, mais...
- Ouains, OK, je comprends.
- Pense pas, moi...
- Hum...
- Tu peux pas comprendre, c'est moi aussi, pas juste ma famille… De toute évidence, je suis weird!... Et j'y peux rien. Fille d'immigrants, un nom weird, cerveau weird, bienvenue l'intégration.
- Ouains... Ça aiderait peut-être si tu fumais pas de...
- Ah commence pas avec ta morale, esti, c'est mon médicament, ok? Sinon, je me suicide, t'sais.
- Shit, really?
- Ouais, stie. C'est pas fucking endurable, vivre, calice.
- Pas pour moi. C'est facile.
- Ben c'est pour ça que je fume du pot, Philippe pis que t'en n'as pas besoin. Moi, oui. C'est, genre... je sais pas. Mes fluides internes. J'ai les fluides essentiels dérangés, ça va pas, t'sais...
- Ouains, je vois. Enfin, je sais pas trop.
- Moi non plus haha je sais pas trop. C'est blurry un peu.
- Trop buzzée...
- Pfff non, ça s'éclaircit quand je fume, alors...
- Tu vas étudier en quoi, Angela? En psychologie?
- Ha! Ha! Pourquoi tu dis ça?
- Je sais pas, je te verrais bien en psychologue, ou en chercheuse...
- En chercheuse?
- Ouains, élaborant de nouvelles théories...
- Ben je sais pas, que je dis, je pense pas à ça, en quoi je vais étudier.
- Tu devrais peut-être, le secondaire IV, c'est l'année importante pour la suite des...
- Ouais, je sais, mais je sais pas, t'sais.
- Tu peux choisir n'importe quoi.
- Comment ça? Veux-tu ben me dire c'est comment que le monde me voit? Pourquoi tu dis ça?
- Ben t'es la bolle de l'école.
- Ah ouais? C'est comme ça que vous me voyez?
- Qui?
- Les autres.
- Quels autres?
- Ben tout le monde sauf moi... le village, quoi. L'école, je sais pas...
- Euh...
- Euh quoi? C'est comment que vous me voyez?
- C'est pas un bloc, moi, je te trouve belle et cool, qu'il me dit en me zyeutant et en souriant.
- Pas les autres?
- Euh... je sais pas.
- Qu'est-ce que tu... Parles! Qu'est-ce qu'on dit de moi?
- Ah shit, ben des affaires, Angela, je peux pas tout résumer en une phrase.
- Alors dis plusieurs phrases.
- Si tu veux.
- Oui, je veux. Je veux savoir.
- Y en a qui te détestent, ils disent vraiment des méchancetés, je vais pas te répéter ça. C'est raciste. C'est... mesquin et certainement ignorant.
- Ben quand même, je veux savoir. Je sais que le monde m'appelle la sauvage, et aussi la sorcière, moi et ma mère...
- Ouains, ya tout ça, et ya ceux à l'école qui... Ben ya genre une rumeur que t'es pas vraiment une fille.
- Ouains, je sais, je suis au courant, mais j'aimerais vraiment savoir ce qu'elle dit, cette rumeur, et qu'est-ce qui l'alimente.
- De petites choses, plein de petites choses qui s'accumulent.
- Tiens donc, comme quoi?
- Ben comme... Je pense pas être le seul à savoir que, officiellement, ton prénom, c'est Angelo. Moi j'en n'ai jamais parlé à personne, je te jure, mais sûrement que d'autres le savent aussi.
- Ahhh... Et comment que tu sais ça, toi?
- Ma mère est prof au primaire, tu l'as eue comme prof en 4e...
- Ahhhhhhh.... Shiiit.
- Pourquoi que c'est Angelo ton prénom?
- C'est juste une stupide erreur administrative, ou un prêtre analphabète, je sais pas trop... italien, j'imagine.
- Un prêtre?
- Ben je sais pas, Philippe, comment c'est que ça marche, les noms, crisse, je suis née chez des cathos, alors y m'ont fait baptiser...
- Mais c'est le gouvernement qui...
- Ben je sais pas, c'est juste une erreur, un typo, t'sais.
- Hum... Pis je sais pas, c'est flou, mais la rumeur dit que t'étais garçon quand t'étais enfant.
- Ah bon. C’est faux.
- Pis tantôt quand je suis arrivé en canot tout d'un coup devant toi, c'est pas tes seins que t'as vite cachés, d'ailleurs... Très jolis... Tu t'es tournée pour aller chercher tes jeans pour pas rester en petite culotte.
- Ouais, et alors?
- Ben les filles, me semble, elles font pas comme ça... Une autre en tout cas, je suis sûr, aurait d'abord cherché à cacher ses seins.
- Bah, ya différent types de filles, Philippe. Moi, ça me gêne pas de les montrer. C'est juste ça. J'allais quand même pas rester juste en petite culotte devant toi.
- Ouains, mais quand même, disons que tu n'as rien fait aujourd'hui en tout cas pour faire taire la rumeur.
- Pfff... C'est fou comment les gens peuvent tout déformer ce qu'ils croient voir pour que ça fitte leur idée préconçue.
- Ben c'est sûr, Angela, tout le monde n'a pas lu toute la bibliothèque comme toi.
- Quoi? Voyons donc.
- T'es hermaphrodite?
- Fuck, pas gené dude. Quoi? Et toi, euh... t'as un micro-pénis ou... ?
- Euh...
- Dérange pas de montrer mes seins, tu peux même toucher, mais ce que j'ai dans mes shorts, pis ce qu'ya dans les tiennes, on est-tu obligé d'en parler? Et si oui pourquoi dans mon cas uniquement? Parce que je suis sûre que, tu-suite, là, t'as pas envie de me parler de ce que t'as dans tes shorts, right? Si je te fais bander ou quoi... Je suis sûre que t'as pas envie, à moins que...
- Non, non, c'est correct, t'as raison, j'ai pas envie d'en parler.
- So pourquoi en parler dans mon cas?
- Je sais pas, Angela, je sais pas. C'est la rumeur, qu'est-ce tu veux... J'y peux rien, moi.
- Ouains... Whatever, pourquoi on parlait de ça, donc?
- Tu voulais savoir...
- Ah ouains... Esti, je m'excuse. C'est moi qui voulais savoir.
- Pas grave. Ya aussi ce que je te disais, là, que t'as lu toute la bibli, faut que la bibli fasse venir les livres d'ailleurs puisque tu les as tous lus, ceux d'ici, et donc que t'es une crisse de bolle, t'en sais genre autant que les profs...
- Ha! Ha! Ha! T'es pas sérieux, vraiment?
- Ouains, et j'imagine, c'est mon analyse à froid ici, que ça peut alimenter la rumeur autour de la sorcellerie, puisque de toute évidence, le grimoire, toi, tu l'as lu...
- Ahhhh, ouains, pas fou. Je vois le lien. Mais c'est pas vrai, hein, que j'ai tout lu... Ha! Ha! Est bonne...
- Non?
- Non. Franchement!...
- Mais tu lis beaucoup, non?
- Oui, crisse, qu'est-ce tu veux je fasse d'autre dans un esti de trou de bouette comme icitte, je peux même pas aller au village, t'sais…
- Tu pourrais y aller en canot.
- On n'a pas d'embarcation. On est pauvres.
- Ouains.
- Juste les fraate qui ont chacun un ostie de pick-up.
- Les quoi?
- Fraate, c'est dans leur langue de chinois, c'est frère, ou frères au pluriel.
- C'est pas de l'italien?
- Ce serait fratello en italien, ou fratelli au pluriel.
- Alors sont pas italiens, quoi?
- Bof, je sais pas trop, l'Italie, genre, ça n'existe pas. Ils viennent du sud, c'est morcelé, chacun sa langue, je sais pas celle-là c'est quoi.
- Intéressant.
- Non. C'est des analphabètes. Ils parlent même pas italien. Moi non plus d'ailleurs, je sais juste quelques trucs puisque j'ai vérifié ce qu'ils me parlaient et que je comprends même pas anyway et j'ai bien vu que ce n'est pas de l'italien.
- Ben tu comprends ce qu'ils disent, quand même, c'est ta famille.
- De moins en moins, je vais te dire. Je m'efforce de ne pas les écouter. Je veux effacer ça, t'sais.
- Hum... T'es charmante, Angela.
- Ha! Ha! Tu me cruises?
- Non, non... Tu m'intéresses pas mais je te trouve vraiment super. Et jolie.
- ...pour une hermaphrodite.
- Mais non... Je suis sincère, je te trouve belle.
- Laisse, ça va. Je sais bien, la rumeur, elle me lâche pas. Alors la seule manière de savoir...
- Non, j'ai pas d’intérêt pour cette rumeur, Angela. Ni pour toi, vraiment. Je te trouve cool et jolie, mais t'sais... on n'est pas dans le même monde. T'es une intellectuelle.
- Ah bon? C'est donc comme ça? Sorcière intellectuelle peut-être hermaphrodite, c'est ça?
- Ouains, genre. Peut-être autre chose aussi, mais t'sais, c'est sûr que je ne suis pas un gars pour toi.
- Ah bon. Ben c'est bizarre, ces choses-là sont pas évidentes pour moi, pas  pantoute. Tout me semble possible.
- Ben non, voyons. On n'est pas dans la même classe... Genre je pourrais pas être prof d'université, mais toi, oui.
- Ha! Ha! Est bonne.
- Quoi?
- Ben voyons donc, toi, prof d'université. Tu capotes.
- Je te jure, c'est comme ça que le monde te perçoit, à des années-lumière devant intellectuellement.
- Vraiiiment? Ça alors. Pourtant mes notes sont super poches.
- Ah oui?
- Ben oui, j'ai coulé les maths de III, je vais les refaire cette année.
- Ah oui? Ça m'étonne. Mais en histoire, en français, en anglais?
- Ouais... histoire, c'est bon. Si je fais les travaux, si je me présente aux examens, français, c'est pareil. Mais au final, c'était pas fort, la dernière année, même ces deux matières, j'ai trop foxé.
- Anglais, genre t'es bilingue.
- Ouais... c'est bébé fafa, t'as qu'à regarder la télé en anglais, c'est tout.
- Pfff, je comprends rien.
- Ouains...
- Tout est facile pour toi, Angela.
- Ben oui, t'sais... Tellement facile... C'est pour ça que je veux me suicider depuis que j'ai huit ans. Facile... Je suis la sauvage à la peau brune, rousse aux yeux verts, la sorcière qui reste au fond du rang, la gang d'Italiens weirds...
- Ouains, je sais ben, mais...
- Mais quoi?
- J'ai de la misère à lire, moi, esti, qu'il dit.
- Ah.
- Ouains. Je vais faire un DEP, là, technique... Manuel, t'sais, je suis un manuel, pas l'intellect...
- Pfff, même pas vrai, je le vois ben que t'es brillant.
- Hum...
- Si t'étais mon chum, tu changerais. T'allumerais.
- Peut-être, mais je serai pas ton chum, Angela.
- Ah, t'en fais pas, c'était pas un souhait. Je suis très bien tu-seule. Mais je t'aime bien, t'es gentil. T'es intelligent.
- Même pas.
- Ouiiii! C'est ton environnement qui va pas.
- Mais... et le tien d'environnement?
- Mon environnement à moi, c'est dans ma tête. Et ici, mon domaine.

Puis je me suis étendue au soleil après avoir bu une gorgée d'eau. Sur la serviette. Sur le ventre, montrant mon dos. Quand même... Il m'a saluée poliment et il est reparti sur son canot.

Une intello, pfff... N'importe quoi.

vendredi 19 août 2016

Précision

Ce n'est pas moi qui parle, c'est mes personnages. Quand c'est moi qui parle, je signerai:


Dominik Rock

wtf


Each with their own philosophy

Dictate what I should be

That doesn't apply to me

Why don't you just let me be?


I didn't ask to be born

Whether in this form

Or just another

My brain will take over

I'll manage, I can read

Just needed to be freed

From your chains

Not refrained

***

Didn't ask to come here honey but since I am...


Gimme that book !

jeudi 18 août 2016

Julien... (Rosée noire extrait 1)

(...)
Mais c’est pas très clair. Elle dit que c’est justement ça l’idée, que c’est le flou artistique, le clair-obscur, l’évocation. Je comprends ça. Vive le flou! Mais reste que… c’est pas très clair. En tout cas, pendant longtemps, je ne voyais pas en quoi ça pourrait aider à changer les choses mais, je m’en rends compte maintenant, le changement, il se loge probablement justement là, dans cette frontière floue, imprécise, de laquelle on peut extraire l’essentiel.

L’humanité, que je me dis, se trouve présentement là, à cette jonction, dans le flou sidéral. Point de non-retour. Les formes, les lignes s’effacent, s’entremêlent, les courbes dominent. On change.

Marie-Ève arrive soudainement, ouvrant la porte de l’appartement sans crier gare, sexy dans sa petite jupe rouge vin et son top noir décolleté, talons hauts, et rehaussée de sa bonne humeur toujours bien mise en valeur, même si elle est fausse.

-      Tu ne nourriras pas ton mari?

Je lui lance ça avant qu’elle n’ait le temps de faire les six ou sept pas pour arriver jusqu’à ma hauteur dans la cuisine. Je commençais à faire sauter les oignons. Je me tourne juste à temps vers elle pour la voir passer devant moi me faire une grimace et un clin d’œil et s'engouffrer dans l’atelier avec Chloé. Elle ferme la porte presque complètement, je vois sa main aux ongles bien rouges la retenir. Hum…

Ben c’est ça, on change. Le changement est constant sous le soleil. Tout se modifie, chacun de nous se renouvelle constamment, la mort au bout n’est pas celle des cellules qui nous formaient au départ mais de nouvelles cellules… donc la mort de quoi au juste, je le demande.

À une autre échelle, on change notre style, nos préférences, nos goûts, nos chemins, nos vies… parfois progressivement, parfois d’un seul coup, mais chose certaine, ça bouge, rien n’est fixe. Même si on essaie ben fort de ne pas changer… Et parfois, les changements surviennent paf, comme ça.

On découvre aujourd’hui que, dans l’évolution des espèces, il existerait comme des trous, certaines d’elles auraient fait de grands sauts vers l’avant. Directement. Sans transition. J’ai cru comprendre que ce serait un accroc à la théorie de Darwin, c’est contesté, pas prouvé, j’sais pas trop, mais c’est ce qui semble se révéler en étudiant la question de plus près avec les technologies qui se raffinent, et ça explique probablement le « chaînon manquant » qu’on n’a jamais trouvé entre ce qu’on était avant, des grands singes, et ce qu’on est devenus, des humains. On aurait sauté des étapes. L’évolution ne procéderait pas toujours par petites adaptations subtiles et constantes. Par exemple, ces grenouilles, je crois en Indonésie, qui, poussées vers la cime des arbres par une autre espèce de grenouilles envahissante, ont en quelques générations seulement modifié et adapté génétiquement leurs pattes à leur nouveau milieu afin de pouvoir se mouvoir et subsister dans leur nouvel environnement, plus haut dans le feuillage. L’évolution, ce n’est pas une lente progression. Pas nécessairement.

Pour l’humain, l’évolution, ça a surtout été le social, le langage, la transmission des connaissances. Un bébé humain qui réussirait à survivre et grandir en forêt sans jamais connaître la civilisation, malgré son cerveau génétiquement développé, ne serait pas vraiment humain, n’utiliserait pas son cerveau comme un humain moderne, n’aurait pas conscience de sa mort éventuelle, de sa propre existence, ne parlerait pas, pourrait à peine communiquer, n’aurait accès à aucun des savoirs, aucun conte, aucune légende, découverts et développés par les humains depuis des millions d’années, a fortiori aucune technique, bref tout ce qui caractérise l’humain serait absent de cet humanoïde sauvage. L’évolution de l’humain est clairement là : dans le social, et tout peut disparaître d’un seul coup si on coupe la transmission.

Capoté, non? Quand on y pense…

Ce qu’on est tient à un fil.

J’entends la voix de Marie-Ève qui se faufile par la fente de la porte de l’atelier sans comprendre plus d’un mot ici et là, mais je connais son discours. Sa vie ne lui convient pas, elle regrette son choix d’opter pour le mariage avec un homme qui a de l’argent, une bonne job. Tout le matériel, toutes les choses qu’elle désirait, elle peut en profiter aujourd’hui, le gros luxe, mais elle n’arrive pas à atteindre quelque satisfaction que ce soit, n’obtient pas de reconnaissance de ses pairs. Socialement, elle n’est rien. Rien d’autre que la femme de son mari, de plus en plus mécontent de son rendement dans le rôle qu’il lui a assigné, ou qu’elle a choisi, mais sans savoir…

C’est comme ça pour tellement de gens. Qui n’assument pas ce qu’ils sont. On tente de reproduire le modèle, s’insérer dans la structure sociale transmise.

Mais cette structure verticale demeure animale, primitive. Son épine dorsale inchangée et maintenue telle quelle depuis la nuit des temps, elle est mâle alpha. C’est une structure de domination, les plus forts en haut, les plus faibles en bas, et avec essentiellement la guerre de clans comme politique de préservation ou d’expansion. Pour le moins simplet comme structure. Je dirais même rudimentaire sinon même grossier, et certainement pas du tout à la hauteur des possibilités de l’incroyable cerveau humain. Vraiment, ça ne convient pas. Est-ce que j’ai le droit de dire ça? FAIL big fucking FAIL, man. Cinq mille ans d’histoire pour ces résultats? Pas fort.

C’est en observant la production artistique de Chloé au fil des années, dont elle ne m’explique pas en mots les buts et processus, que j’ai réalisé qu’elle exprimait beaucoup mes propres réflexions, ou enfin peut-être aussi qu’on voit ce qu’on veut au fond, mais bon… En tout cas, ça m’a rejoint. C’est difficile à expliquer, j’imagine que c’est pour ça que Chloé ne le fait pas vraiment, expliquer ses œuvres, mais j’ai vu ce qui se profile dans ses flous et ses courbes.

J’y ai vu qu’on y est, dans le changement, maintenant, on est en plein dans la fin de… de la révolution. On complète le tour, on rejoint le début, comme les aiguilles de l’horloge qui tombent à minuit. Et la suite pourrait survenir plus brusquement qu’on peut l’imaginer.

En toute logique, il m’apparaît que cette forme primaire d’arrangement social patriarcal hérité d’un temps ancien où le muscle du mâle était essentiel (l’était-il vraiment?) évoluera en une forme horizontale de structure sociale, plus inclusive, plus rassembleuse, résiliente, indulgente… plus de l’ordre du féminin que du masculin. Forcément, ça viendra, les tours vacillent. Je pousserai plus loin en affirmant même que cette évolution de l’espèce humaine dans le sens d’une société plus féminine s’accompagnera d’une réduction, sinon même une disparition du mâle humain, dont la seule et unique fonction deviendra bientôt la production de spermatozoïdes, que le cerveau humain pourra surement un jour permettre de synthétiser dans un laboratoire. Par des femmes. Toutes les activités nécessaires à la préservation de l’espèce humaine peuvent désormais être accomplies par une femme, grâce au cerveau humain et ce qu’il permet : machines, opérations chimiques… Tout. Aujourd’hui, on n’en est pas encore à la production de spermatozoïdes en labo, mais on peut imaginer un temps intermédiaire où les mâles seraient réduits à cette seule fonction reproductive et traités comme tels.

La féminisation de la société, qui est en cours, favorise l’avancement de l’espèce humaine dans son environnement, je ne vois pas pourquoi l’évolution arrêterait ce processus. Tant le mâle lui-même que la structure sociale qu’il impose pourraient donc disparaître d’un seul coup par un de ces « grands sauts » de l’évolution qui assure la survie de l’espèce, remplacés par une nouvelle structure, féminine, mieux adaptée, plus efficace. Parce que là, depuis quelques centaines d’années sinon plus, les humains piétinent vraiment. Se piétinent. S’assassinent. C’est débile. Et c’est sans compter le réchauffement climatique. Les humains utilisent surtout leur cerveau pour s’autodétruire.


On a l’impression de reculer. 

C’est parce qu’il est minuit comme je disais. C’est à la fois le début et la fin. C’est le chaos, l’entre-deux. On est à la veille d’une révolution, on est déjà dedans. Elle sera douce.
(...)

mercredi 17 août 2016

Ya pas d'origine

Bon c'est ça, pas d'origine. On n'a pas d'origine, les humains. Toute la vie. C'est comme les vagues quand l'eau de la rivière est calme et que je lance des pierres dedans. Un choc initial, puis les ondes évoluent, progressent... indéfiniment.

C'est sûr puisque ma rivière rejoint le Fleuve, puis l'Atlantique, alors ya des ondes qui rejoignent la rive à mes pieds, mais elles partent aussi avec le courant et... quoi, elles rejoignent l'océan, non?

C'est comme ça dans l'univers, une collision entre deux machins, genre, provoque une onde de choc, y avait des gaz, ça pète, je sais pas trop... la vie en découle, puis évolue, et voilà tout. Et voilà nous!

Remarque, je sais pas trop ce que c'est que l'univers ni nous, ce que c'est que ce Nous. Ben c'est sûr, je sais même pas ce que c'est Je, alors je sais pas plus Nous. Encore moins parce que là y a toute la culture qui entre en ligne de compte.

Culture qui est quoi, dans la tête, non? Ça existe pas vraiment, je veux dire... c'est inventé, transmis, modifié, mais au départ, y a une invention, une idée. Si on enlève la culture, y reste quoi?

En tout cas l'humain, je sais pas c'est quoi. Une aberration. Ces poules que je dois nourrir ne savent pas qu'on les mangera. Elles ont l'air heureuse, quand même qu'on les égorgera taleur. Quand même qu'elles me font chier. Elles remarquent pas.

C'est vraiment con, une poule, parce que le chien, lui, il le sait quand il me fait chier, j'ai qu'à le regarder, il se pousse. Ou alors il jappe pour me défier. Je re-jappe back. Lui aussi Y m'énerve, ce chien. C'est un con parce que c'est le chien des fraate et il pense comme eux. C'est comme genre qu'y me surveille que je nourrisse les poules comme y faut. Va chier 'stie de cabot.

Alors si je sais que je vais mourir, souffrir, vieillir, à quoi ça sert de vivre?

Je vois pas.

Non, je vois pas. Le plaisir... Ha... C'est succinct, le plaisir, c'est pas dans la durée.

Ce qui est dans la durée chez l'humain, c'est la souffrance. Pis y font semblant que non. Tous. Somehow.

La vie est absurde dans le contexte, faudrait... se servir de notre cerveau pour faire mieux, pour moins souffrir... genre comme les grenouilles, y se cassent pas la tête trop, trop. Y a moyen de vivre sans se faire chier, je suis sûre. Comme les grenouilles, je dis pas les poules qui crèveraient sans les humains, mais les grenouilles... elles vont bien.

Je comprends pas comment y se fait que les grenouilles vivent et prolifèrent sans se faire chier alors que simplement vivre pour les humains, c'est pas endurable. Je sais pas ce que je vais faire, je sais même pas qui je suis, et j'en ai conscience!!!

Crisse, juste à oublier. Se saouler.  Fumer un gros splif, un trois papiers. Se shooter du smack.

La conscience, c'est ça le problème des humains...

Pourtant les Amérindiens vivaient sans trop se faire chier. Ils travaillaient pas sur une ferme. Bon paraît que les iroquois cultivaient le blé-d'inde, les trois sœurs, ben ouais mais y zavaient pas de tracteurs, c'était à petite échelle. Y semaient et ça poussait, ils récoltaient et c'est tout. Non, non, j'en suis convaincue, les Amérindiens vivaient sans se faire chier à travailler, j'en ai parlé avec mon prof d'histoire. Il est pas mal cute, d'ailleurs, je le boufferais. Il le voit, c'est sûr. Mais mon intérêt ''académique'' est également réel. On plane là-dessus tous les deux, enfin je pense. Je suis sûre que je le fais bander, je le vois se tortiller. Faut dire que je  fais exprès. En tout cas, il me parlait d'un livre qu'il m'a dit qu'il me prêterait, le Voyage au pays des Hurons, un truc du genre. Y mangaient leurs poux mais y travaillaient pas. Les Hurons. Y commerçaient des peaux, pagayaient, mais bon... C'était pas trop forçant. Dans le contexte. Les femmes travaillaient plus fort en fait, mais quand même, y avait pas de patron, c'était la famille, la communauté. Pas de production nécessaire ou minimale, le concept n'existait pas.

Alors y pensaient à quoi, les Amérindiens? À rien ostie. À l'art, la philosophie... au vol des oiseaux, la beauté du coucher de soleil sur le lac.

Mais y a les poux, de gros poux dégueus, évidemment. Et l'hiver qui devait quand même pas être évident, bien que...

J'aurais aimé être amérindienne. J'aime leur manière d’être, de ce que j'en sais. Ils sont genre, calmes, pas énervés comme la famuggh icitte. Du moins c'est mon impression. Leurs gênes sont plus calmes. Plus communautaires aussi.

En tout cas, les humains, yont pas l'air d'avoir envie de changer quoi que ce soit, fa que c'est genre un ostie de gros paquebot à virer de bord... À quoi ça sert de penser? C'est fucking inutile, aller sur la Lune pis des affaires de même. Pendant ce temps-là, mes fraate se fient à leur sainte-vierge éclairée par un spot rose pour le succès de leur récolte... et chez Stéphanie, c'est tellement engrais chimique, qu'est-ce que va être cette terre dans 50 ans?

Je sais pas si cette réflexion conviendrait pour un de mes devoirs, attends, un peu, hum... Ouais, s'agit d'ajouter une intro, conclure vite fait. Je m'en sors pour cette fois. Je peux peut-être réchapper ma session, je sais pas. En tout cas...

lundi 15 août 2016

It


Which from my projection

Or my reflection

And where is reality?

One day I'm cute the other ugly...


I am the wanderer, just needed to flee

Nowhere to go and what people think of me

Like a mirror, I project and they reflect

Thus in between, reality may erect

I feel the breeze in my hair, and pearls of sweat

Moisten my temples while drops run down my neck...

Dominik Rock

'' Depuis que je sais que ma terre est à moi ''

Il pleut, il pleut, ça fucking tombe comme des clous. Ça dure depuis avant-hier et c’est vraiment l’enfer parce que ça veut dire que je peux pas sortir. Normalement, la pluie, ça me dérange pas trop, mais là en plus y fait frette, pis c’est trop, c’est juste de la bouette partout.

Quel esti de trou de bled perdu de crisse, je peux même pas aller rendre mes livres à la bibli ni en avoir d’autres et si je veux regarder la télé, faut que je deal avec il viecchio, pfff…

Yavait un party chez Gaelle hier, elle m’a invitée, shiiit, on m’invite à un party. Évidemment les fraate, ils s’en crissent ben de mes livres, ils jouent dans la bouette… Ou d’une occasion inespérée pour moi de peut-être socialiser et me faire des amies comme toutes les filles de mon âge, ben non, je leur fucking demande même pas une ride pour m’éviter le badtrip de leur refus dégoulinant de leur fumier puant.

Rien savoir de l’esti de ferme. Pourquoi qu’il fallait que je débarque sur Terre dans une crisse de vie de même? Toute mêlée?

Toute mélangée, j’suis toute mélangée. Comme un mélange à gâteau.

Betty Croker… comment ça s'écrit? Peut-être que j’aimerais m’appeler Betty. J’aime les nom en i. J’aime pas mon nom…

Évidemment, ma famille émigre, fallait qu’ils choisissent un coin de pays que mon nom ferait freaker. C’est quoi ton nom? Hein?

Hein? Quoi? De quoi c’est? Casti quoi?

Je viens d’ailleurs mais je sais pas de où. Leur esti de langue sale que personne comprend, si tu penses que j’ai envie de la savoir. Fa que bon, je leur parle pas aux mâles de cette maisonnée de câlice. Pis l’autre folle…

Faut je crisse mon camp d’icitte, c’est genre pas chez nous, j’suis… J’suis pas italienne câlice!!! Je sais même pas c’est où, l’Italie, pis je sais ben que leur langue bâtarde, c’est même pas de l’italien, parce que je comprenais pas vraiment quand j’ai vu des films en italien à la télé, sous-titrés.

J’ai juste un hostie de nom italien où c’est que personne a jamais entendu ça, un nom italien.

Pis ben j’suis même pas italienne, juste au plus à moitié, ben je dis au plus… c’est parce que je peux pas croire que j’ai un lien avec cette zombie qui essaie de faire à manger icitte, pis qui se fait tasser par toute cette testostérone qui fucking puuuue.

Ils puent les fraate, le vieux aussi, ils ont beau se laver de leur crotin, ça fucking pue icitte, je peux pas croire que j’ai un lien avec eux, ils ont dû m’adopter pis ils veulent pas me le dire.

D’ailleurs le premier à douter de ma génétique, c’est le viecchio lui-même. C’est ben évident qu’il n’y a pas de roux ou de blond dans la famille, ni d’yeux verts ou bleus, je sais pas quelle couleur sont les miens mais c’est pas noir comme eux.

Alors je viens de où? Faut que je demande à ma folle de mère si je peux la prendre dans un moment de lucidité, que je lui demande franchement d’où c’est que je viens. Ça a quand même pas de bon sens, comment tout d’un coup en passant l’Atlantique ma mère se mettrait à produire des bébés aux cheveux et aux yeux pâles? Pas d’allure.

Fuck, c’est sûr qu’elle a trompé son esti de vieux, coudonc, elle avait quel âge? Ouains… Ouben c’est des gênes fuckés en crisse que j’ai, pis ça serait pas surprenant vu ce que je suis. je veux dire… fille comme je suis. C’est quand même mon cerveau. C'est dans mon cerveau. Que je suis. Que j'existe. C'est mon cerveau qui est fille.

Ça explique que je trouve que ça pue icitte. Que j'aime pas me mettre les pieds dans le fumier ou la bouette comme qu'y a partout icitte, ni même m'occuper des poules. C'est quand même con, des poules. J'ai pas le choix de jouer avec elles, et les lapins qu'on mange. Qu'ils mangent, moi j'ai arrêté. Je me bourre de pain que je pique dans la cuisine quand tout le monde est couché. Le poulet encore ça va, limite. Je sais pas. P'tête que je vais arrêter. P'tête que je vais devenir végétarienne.

''Dehors y mouille depuis hier, ya pas de remède pour le cancer''.

Je suis québécoise, qu'est-ce tu veux que je sois d'autre? J'ai toutes ces piles de vieux disques et une vieille table tournante. Pour apprendre à être québécoise.

Ici, je suis à la fois en Italie quelque part et quelque part au Québec. Ou entre les deux. Je pourrais rester à la frontière de ce pays, comme eux, qui tentent de le labourer sans le connaître. C'est ce qu'on m'indique. Soit comme ceci, fais cela, comme ceci, voiiiilà, tu es ce qu'on te fait, et on n'est pas ici mais là-bas. Quoi?

Et moi, je sais même pas c'est où ça, là-bas, le soleil dont il parlent, et je veux pas apprendre leur langue. Je me ferme à toutes leurs coutumes. C'est même pas de l'italien. Ils sont même pas ici.

Moi, je suis ici. Je suis née ici. Je suis donc d'ici.

''Depuis que je sais que ma terre est à moi, l'autre, y est en calvaire''

Ouains! On va s'enterrer en esti, oui. Ça s'en va nulle part leur petit coin d'Italie, on est total reject, pis y sont même pas bons fermiers, c'est Stéphanie qui me l'a dit devant son frère qui a approuvé d'un discret mais perceptible, et criant de sens, relèvement des yeux. De toute évidence, vu les possessions matérielles de la famille de Stéphanie, c'est ça, une ferme bien gérée. Ici, on fait dur avec des méthodes probablement archaïques italiennes. Comme leur langue. Archaïque.

On est pauvres esti, je vas le dire câlice. Pourtant, c'est une grande ferme. Il manque d'équipement... ou d'équipement dans leur tête. Je pense qu'ils sont pas ici, qu'ils sont encore au début du 20e siècle.

Stéphanie est blonde, sa famille... P'tête que c'est mieux être pâle?

Ouains... je ne suis pas pâle, j'ai la peau foncée de mes fraate et de ma mama, mais quand même un peu plus pâle, ouais. J'ai même des taches de rousseur, ayoye.

Donc je ne suis pas italienne. Ils m'ont adoptée, c'est sûr. Pourquoi, je ne comprends pas.

J'ai pas compris ce que mon fraate vient de me dire en ouvrant sans crier gare ma porte de chambre alors que j'écoute du Harmonium tranquilos et que j'aurais pu être en train de me changer ou de me masturber câlice. Savent pas vivre. J'ai pas compris parce que je veux tellement rien savoir de sa crisse de langue que personne parle que j'ai arrêté de l'apprendre et qu'il y avait au moins trois mots là-dedans que j'ai aucune idée...

Crisse de paisan. C'est des tarrés, y savent rien, même pas runner une ferme. Pis là il va pogner les nerfs parce que je bouge pas, mais j'ai pas compris!!! Dis-le en français, en anglais, je sais pas... jappe-le, ce sera toujours mieux que ton chinois.

Je veux pus vivre ça.

Ça va barder, je le sens, j'entends chialer dans la cuisine. Y doit y avoir de quoi que je devais faire, pfff. Hé, j'suis pas une fermière, moi, j'suis même pas de ta gang, pis mange donc de la marde. Je m'en vais s'ils sont pas contents.

Je pars à nouveau comme l'an passé. Ah pis... quand ils m'avaient retrouvée, j'avais passé un mauvais quart d'heure. Si je pars, je pars pour toujours, très loin... me retrouveront pas.

Ah shit...