samedi 8 décembre 2018

Tamiser les mots

Je me suis remise à la réécriture de mon premier roman après une bonne période, je sais pus combien de temps, à pas le lire du tout mais en y pensant souvent.

C'est la deuxième fois que ce texte subit un remaniement important pour le resserrer, et on ne saisit vraiment la signification de ce cette expression qu'après avoir passé au travers de cette opération douloureuse, celle qui consiste le plus souvent à se départir complètement de phrases que j'ai caressées et même polies pendant des années... ou qui m'avaient caressée et polie?

Toujours est-il que ça tire comme un poil qu'on épile pour une phrase ou un bout de phrase, et d'autre fois, c'est plutôt de l'ordre de l'amputation d'un membre, et ça jette dans un abîme indescriptible.

Puis, plus tard ou le lendemain, je relis pour voir si on voit la cicatrice... manque des paragraphes, manque... un chapitre, deux chapitres...

Rien n'y paraît. C'est encore plus lisse et poli. Un chapitre complet remplacé par à peine une évocation dans une phrase, et je me demande pourquoi j'avais pas procédé ainsi à la première écriture.

Mais l'absence de ce paragraphe particulier, de ce chapitre, et son évocation par quelques mots, une précision en incise dans une longue phrase, un souvenir... ça donne une perspective au texte, ça le fait passer de deux à trois dimensions.

J'avais déjà saisi ce tour de passe-passe de faire disparaître des chapitres entier pour les remplacer par un souvenir que les personnages évoquent genre, et j'avais aperçu la force de cette opération, et le fait qu'ainsi on obtient une texture. C'est pourquoi de ces éléments de base de mon texte original de 1993 de l'évocation peu à peu de la vie passée de Soliane j'ai construit la version III de Moi et le soleil en 2014; puis j'ai raffiné le tout au début 2016 et le titre a changé en Cool soleil, en procédant essentiellement à une coupe puisque le texte était beaucoup trop long. Cool soleil a quelque 20,000 mots de moins que le Moi et le soleil de 2014, mais aussi à un noircissement, puisque javais été inspirée pour cette réécriture par la nouvelle maison d'édition que lançait à l'époque Québec-Amérique, La Shop, et qui disait à l'époque, et je souligne, à l'époque disait voulait publier des textes pessimistes et dark, ce qui ne s'est absolument pas avéré lors de leurs premières publications.

Et finalement, ce texte remanié m'avait valu des éloges de deux maisons d'édition, deux sur deux, mais aussi deux refus, pour des raisons, si je comprends bien, plus de morale et de marché moralisant que de problèmes avec le texte.

Mais certainement que ces qualités de mon texte, ces deux éditeurs, l'autre étant La Mèche, les avaient identifiées dans tout ce flot excessif de mots... de toute évidence puisqu'il est meilleur avec quelque 30,000 mots retranchés.

Mais ce qui est le plus particulier, c'est pas tant le résultat final, dont je ne dispose pas encore, mais le processus de tamisage du texte qui est émouvant et dont je voulais faire part ce matin. C'est émouvant, oui, de voir mon texte se raffiner au fur et à mesure que les matins passent et que je me replonge dedans et que je relis.

Faut polir jusqu'à ce que ça accroche pus quand je relis. J'ai déjà sablé du bois pour gagner ma vie, des bouts de bois que Luc peinturait ou vernissait savamment par la suite et qu'il vendait à grand prix. Il arrivait avec ses boucles d'or et sa bouche en cul de poule, braquait la lumière sur les bouts de bois que j,avais sablés et les examinait de très près, puis les reposait en disant: "C'est pas assez sablé, on voit encore des petites craques".

C'est comme ça pour un roman aussi, et je dois dire que c'est un processus que je découvre pour les mots, que je trouvais pas mal gossant pour les bouts de bois, et au début pour les mots aussi, que j'aime plus libérés, mais dans le fond, voilà la nature du travail pour arriver à un résultat... correct.
Dominique Rock







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